Cette place est unique au monde. Tous les jours, musiciens, conteurs, danseurs, jongleurs et bardes s’y produisent devant une foule nombreuse, dans un perpétuel renouvellement.
Les traditions et conteurs de la célèbre place de Marrakech, d’une richesse et d’une variété uniques au monde, sont à l’origine du nouveau concept de patrimoine oral et immatériel de l’humanité.
Cette place est unique au monde. Tous les jours, musiciens, conteurs, danseurs, jongleurs et bardes s’y produisent devant une foule nombreuse, dans un perpétuel renouvellement.
«Marrakech était la cité où les légendes noires et blanches s’entrecroisaient, les langages s’entremêlaient et les religions se heurtaient au silence immuable des sables dansants.»
on premier contact avec la littérature orale sur la place Jemâa-el-Fna de Marrakech m’a conduit à une réflexion sur la spécificité de la littérature écrite, à partir des différences entre ces deux modes d’expression. Dans la communication orale, le locuteur peut se référer à tout moment au contexte, c’est-à-dire à une situation concrète et précise que toute l’assistance connaît bien. Dans le cas de la littérature écrite, l’auteur et le lecteur n’ont rien en commun, si ce n’est le texte écrit par le premier et le fait d’appartenir tous deux (par la naissance ou par l’apprentissage) à une même communauté linguistique. La littérature orale établit une communication entre un locuteur et un auditeur, qui ont tous deux une expérience proche ou identique du monde. La lecture d’un roman, en revanche, établit une communication entre un narrateur et un lecteur, le premier n’étant pas en mesure de vérifier si le second possède, au moment de sa lecture, la connaissance du contexte, requise par le texte narratif. C’est pour cette raison que le lecteur, éloigné du texte dans le temps et/ou dans l’espace, a besoin d’un intermédiaire qui recrée le contexte, pour suppléer précisément à ses lacunes. D’où la présence, dans les romans traduits, de notes explicatives de l’éditeur ou du traducteur.
Dans la halca, cercle d’auditeurs et de spectateurs qui se forme autour du conteur, rien de tout cela n’est nécessaire. Le conteur s’adresse directement à des personnes, qui sont par définition ses complices. Le texte qu’il déclame ou improvise fonctionne comme une partition, laissant à l’interprète une grande marge de liberté. Les variations de la voix et du rythme déclamatoire, des expressions et des gestes, ont ici un rôle primordial: un texte selon toute vraisemblance sacré peut ainsi être parodié et rabaissé
au rang de scatologie. Dans les contes pour enfants et les chansons de geste, l’usage; fréquent des sketchs cynégétiques (évoquant la chasse) et para-linguistiques souligne la magie, la force, ou l’aspect dramatique des épisodes racontés.
Au fur et à mesure que s’amélioraient mes connaissances du darixa (l’arabe dialectal du Maroc), j’ai pu apprécier la richesse et la variété des traditions orales de la place de Marrakech, en assistant, non seulement à l’interprétation des œuvres classiques comme Les Mille et Une Nuit, la Antaria, etc. et des légendes inspirées par Xeha, Aicha et Kandixa pour ne citer que ces trois héros populaires, mais aussi aux improvisations burlesques et, parfois, aux pantomimes sexuelles de halaiquis (conteurs) de grand talent. Je veux parler notamment de Saruh et de Bakchich, aujourd’hui décédés. Tous deux recouraient à des euphémismes, dont les finauds détenaient les clés, pour avoir participé assidûment à la halca.
Mais dans ce grand creuset de cultures populaires qu’est la place Jemâa-el-Fna convergent deux autres traditions: la berbère et celle des gnawi (population de descendants d’esclaves d’une confrérie populaire marocaine). La première se caractérise par des chants et des récitals en tamazight, la langue berbère majoritaire, ou en soussi, le berbère de la région d’Agadir. Son registre embrasse des poèmes d’amour, des élégies, des œuvres de critique morale et sociale. La seconde contient un vaste répertoire d’invocations et de prières, propres aux cérémonies de transe rituelle. Une étude récente du professeur Hamid Hogadem réunit en un volume les enregistrements faits par l’auteur des actuels halaiquis des trois traditions.
Elle sera prochainement publiée sous le patronage de l’UNESCO.
Au fil des ans, mes réflexions sur la spécificité de la littérature se sont étendues aux relations entre les littératures orales et écrites. Leur interdépendance, dans les cultures européennes et arabes, montre que la littérature orale, codifiée et répertoriée, a nourri la littérature écrite et qu’en retour celle-ci a influencé celle-là, en s’infiltrant dans le circuit du récit oral. De nombreux textes médiévaux, tant lyriques que narratifs, ont été écrits pour être récités et une lecture adéquate de ces textes doit tenir compte de leur dimension auditive et para-linguistique.
Le spectacle de la place de Marrakech court le risque de disparaître
Il est très significatif que le secteur le plus innovant et le plus réactif de la narration au xxe siècle (James Joyce, Louis-Ferdinand Céline, Arno Schmidt, Carlo Emilio Gadda, Guiamaraes Rosa, Guillermo Cabrera Infante...) amalgame justement l’écrit aux éléments de base de la tradition orale. Leurs romans suggèrent une lecture à voix haute permettant d’apprécier à sa juste valeur le défi littéraire sous-jacent. En ce qui me concerne, je souhaiterais souligner à quel point le souffle oral de la place m’a stimulé dans la rédaction de mon roman Makbara. Sans lui, mon œuvre serait probablement différente. L’audition, c’est-à-dire la présence simultanée de l’auteur ou récitant et du public attentif à son écoute, confère aux textes poético-narratifs une dimension nouvelle, comme aux temps de Chaucer, Boccace, Juan Ruiz, Ibn Zayid,ou Al Hariri. Une continuité souterraine relie le Moyen Age à l’avant-garde littéraire du siècle qui se termine. Comme le signale subtilement le grand théoricien russe Mikhaïl Bakhtine, une œuvre ne peut vivre dans les siècles à venir si elle ne se nourrit pas des siècles passés...Tout ce qui n’appartient qu’au présent est condamné à mourir avec lui.
Pour de nombreuses raisons, la fragilité, pour ne pas dire la précarité, de l’espace public de Jemâa-el-Fna est pour moi un objet de préoccupation récurrent. Fruit d’un heureux concours de circonstances (certains documents signalent son existence au milieu du xvie siècle), le spectacle de la place de Marrakech court le risque de disparaître et d’être balayé par les assauts d’une modernité incontrôlée, qui menace nos vies et nos œuvres. Encore considérée jusqu’à une date récente comme un résidu tiers-mondiste par une bonne part de l’élite européanisée des Marocains (de fait, la place fut provisoirement fermée après l’indépendance du pays, mais la pression populaire contraignit les autorités à la rouvrir), elle s’offre le paradoxe d’être appréciée pour ce même anachronisme. Elle est même considérée par les urbanistes des sociétés techniquement avancées du prétendu Premier Monde comme un modèle souhaitable et, de ce fait, digne d’être imité, comme lieu de rencontres et de communication sociale, où des gens de toutes classes et origines peuvent manger, marchander, flâner, se retrouver, jouir de la richesse et de la variété d’un espace en perpétuel mouvement. Comme je l’ai dit voici déjà bien des années, la place peut être détruite par décret, mais non créée par décret. En prendre conscience contribuera sans doute à la sauver.
La circulation toujours croissante, la dégradation de l’environnement et, surtout, certains projets immobiliers en contradiction flagrante avec les clauses de protection prévues par la loi de 1922 – projets dont la réalisation défigurerait pour toujours les environs de Jemâa-el-Fna – sont suffisamment graves pour déclencher une mobilisation internationale en faveur de ce patrimoine oral et immatériel en péril. Depuis la réunion d’experts organisée par l’UNESCO à Marrakech en juin 1977, nous savons avec certitude que c’est l’unique lieu de la planète où, chaque jour de l’année, musiciens, conteurs, danseurs, jongleurs et bardes jouent devant une foule nombreuse, dans un perpétuel renouvellement. La place nous offre un spectacle permanent dans lequel s’estompe la distinction entre acteurs et spectateurs: tout le monde peut être l’un ou l’autre s’il le désire. Face au rouleau compresseur des moyens d’information qui homogénéisent et appauvrissent nos vies, en les capsulant dans les ténèbres télécommandées du privé, Jemâa-el-Fna oppose l’exemple d’un espace public qui invite à la sociabilité, grâce à l’humour, la tolérance et la diversité, créés par ses poètes, ses picaros et ses conteurs.
L’adoption, en 1997, du concept de patrimoine oral et immatériel de l’humanité, par la Conférence générale de l’U
UNESCO, apporte un soutien décisif à l’engagement de protéger un nombre considérable de traditions orales et musicales, de savoirs et savoir-faire artisanaux, sans oublier leurs détenteurs, les «trésors humains vivants». Aujourd’hui, il n’est plus possible d’alléguer l’ignorance devant l’évidence que toute cette richesse culturelle, qui fut le noyau séminal de ce que nous appelons «la haute culture», sera balayée si nous n’accourons pas à sa rescousse. C’est lors de cette réunion sur la préservation des espaces culturels populaires que l'on a défini un nouveau concept d'anthropologie culturelle: le patrimoine oral de l'humanité.
on premier contact avec la littérature orale sur la place Jemâa-el-Fna de Marrakech m’a conduit à une réflexion sur la spécificité de la littérature écrite, à partir des différences entre ces deux modes d’expression. Dans la communication orale, le locuteur peut se référer à tout moment au contexte, c’est-à-dire à une situation concrète et précise que toute l’assistance connaît bien. Dans le cas de la littérature écrite, l’auteur et le lecteur n’ont rien en commun, si ce n’est le texte écrit par le premier et le fait d’appartenir tous deux (par la naissance ou par l’apprentissage) à une même communauté linguistique. La littérature orale établit une communication entre un locuteur et un auditeur, qui ont tous deux une expérience proche ou identique du monde. La lecture d’un roman, en revanche, établit une communication entre un narrateur et un lecteur, le premier n’étant pas en mesure de vérifier si le second possède, au moment de sa lecture, la connaissance du contexte, requise par le texte narratif. C’est pour cette raison que le lecteur, éloigné du texte dans le temps et/ou dans l’espace, a besoin d’un intermédiaire qui recrée le contexte, pour suppléer précisément à ses lacunes. D’où la présence, dans les romans traduits, de notes explicatives de l’éditeur ou du traducteur.
Dans la halca, cercle d’auditeurs et de spectateurs qui se forme autour du conteur, rien de tout cela n’est nécessaire. Le conteur s’adresse directement à des personnes, qui sont par définition ses complices. Le texte qu’il déclame ou improvise fonctionne comme une partition, laissant à l’interprète une grande marge de liberté. Les variations de la voix et du rythme déclamatoire, des expressions et des gestes, ont ici un rôle primordial: un texte selon toute vraisemblance sacré peut ainsi être parodié et rabaissé
au rang de scatologie. Dans les contes pour enfants et les chansons de geste, l’usage; fréquent des sketchs cynégétiques (évoquant la chasse) et para-linguistiques souligne la magie, la force, ou l’aspect dramatique des épisodes racontés.
Au fur et à mesure que s’amélioraient mes connaissances du darixa (l’arabe dialectal du Maroc), j’ai pu apprécier la richesse et la variété des traditions orales de la place de Marrakech, en assistant, non seulement à l’interprétation des œuvres classiques comme Les Mille et Une Nuit, la Antaria, etc. et des légendes inspirées par Xeha, Aicha et Kandixa pour ne citer que ces trois héros populaires, mais aussi aux improvisations burlesques et, parfois, aux pantomimes sexuelles de halaiquis (conteurs) de grand talent. Je veux parler notamment de Saruh et de Bakchich, aujourd’hui décédés. Tous deux recouraient à des euphémismes, dont les finauds détenaient les clés, pour avoir participé assidûment à la halca.
Mais dans ce grand creuset de cultures populaires qu’est la place Jemâa-el-Fna convergent deux autres traditions: la berbère et celle des gnawi (population de descendants d’esclaves d’une confrérie populaire marocaine). La première se caractérise par des chants et des récitals en tamazight, la langue berbère majoritaire, ou en soussi, le berbère de la région d’Agadir. Son registre embrasse des poèmes d’amour, des élégies, des œuvres de critique morale et sociale. La seconde contient un vaste répertoire d’invocations et de prières, propres aux cérémonies de transe rituelle. Une étude récente du professeur Hamid Hogadem réunit en un volume les enregistrements faits par l’auteur des actuels halaiquis des trois traditions.
Elle sera prochainement publiée sous le patronage de l’UNESCO.
Au fil des ans, mes réflexions sur la spécificité de la littérature se sont étendues aux relations entre les littératures orales et écrites. Leur interdépendance, dans les cultures européennes et arabes, montre que la littérature orale, codifiée et répertoriée, a nourri la littérature écrite et qu’en retour celle-ci a influencé celle-là, en s’infiltrant dans le circuit du récit oral. De nombreux textes médiévaux, tant lyriques que narratifs, ont été écrits pour être récités et une lecture adéquate de ces textes doit tenir compte de leur dimension auditive et para-linguistique.
Le spectacle de la place de Marrakech court le risque de disparaître
Il est très significatif que le secteur le plus innovant et le plus réactif de la narration au xxe siècle (James Joyce, Louis-Ferdinand Céline, Arno Schmidt, Carlo Emilio Gadda, Guiamaraes Rosa, Guillermo Cabrera Infante...) amalgame justement l’écrit aux éléments de base de la tradition orale. Leurs romans suggèrent une lecture à voix haute permettant d’apprécier à sa juste valeur le défi littéraire sous-jacent. En ce qui me concerne, je souhaiterais souligner à quel point le souffle oral de la place m’a stimulé dans la rédaction de mon roman Makbara. Sans lui, mon œuvre serait probablement différente. L’audition, c’est-à-dire la présence simultanée de l’auteur ou récitant et du public attentif à son écoute, confère aux textes poético-narratifs une dimension nouvelle, comme aux temps de Chaucer, Boccace, Juan Ruiz, Ibn Zayid,ou Al Hariri. Une continuité souterraine relie le Moyen Age à l’avant-garde littéraire du siècle qui se termine. Comme le signale subtilement le grand théoricien russe Mikhaïl Bakhtine, une œuvre ne peut vivre dans les siècles à venir si elle ne se nourrit pas des siècles passés...Tout ce qui n’appartient qu’au présent est condamné à mourir avec lui.
Pour de nombreuses raisons, la fragilité, pour ne pas dire la précarité, de l’espace public de Jemâa-el-Fna est pour moi un objet de préoccupation récurrent. Fruit d’un heureux concours de circonstances (certains documents signalent son existence au milieu du xvie siècle), le spectacle de la place de Marrakech court le risque de disparaître et d’être balayé par les assauts d’une modernité incontrôlée, qui menace nos vies et nos œuvres. Encore considérée jusqu’à une date récente comme un résidu tiers-mondiste par une bonne part de l’élite européanisée des Marocains (de fait, la place fut provisoirement fermée après l’indépendance du pays, mais la pression populaire contraignit les autorités à la rouvrir), elle s’offre le paradoxe d’être appréciée pour ce même anachronisme. Elle est même considérée par les urbanistes des sociétés techniquement avancées du prétendu Premier Monde comme un modèle souhaitable et, de ce fait, digne d’être imité, comme lieu de rencontres et de communication sociale, où des gens de toutes classes et origines peuvent manger, marchander, flâner, se retrouver, jouir de la richesse et de la variété d’un espace en perpétuel mouvement. Comme je l’ai dit voici déjà bien des années, la place peut être détruite par décret, mais non créée par décret. En prendre conscience contribuera sans doute à la sauver.
La circulation toujours croissante, la dégradation de l’environnement et, surtout, certains projets immobiliers en contradiction flagrante avec les clauses de protection prévues par la loi de 1922 – projets dont la réalisation défigurerait pour toujours les environs de Jemâa-el-Fna – sont suffisamment graves pour déclencher une mobilisation internationale en faveur de ce patrimoine oral et immatériel en péril. Depuis la réunion d’experts organisée par l’UNESCO à Marrakech en juin 1977, nous savons avec certitude que c’est l’unique lieu de la planète où, chaque jour de l’année, musiciens, conteurs, danseurs, jongleurs et bardes jouent devant une foule nombreuse, dans un perpétuel renouvellement. La place nous offre un spectacle permanent dans lequel s’estompe la distinction entre acteurs et spectateurs: tout le monde peut être l’un ou l’autre s’il le désire. Face au rouleau compresseur des moyens d’information qui homogénéisent et appauvrissent nos vies, en les capsulant dans les ténèbres télécommandées du privé, Jemâa-el-Fna oppose l’exemple d’un espace public qui invite à la sociabilité, grâce à l’humour, la tolérance et la diversité, créés par ses poètes, ses picaros et ses conteurs.
L’adoption, en 1997, du concept de patrimoine oral et immatériel de l’humanité, par la Conférence générale de l’U
UNESCO, apporte un soutien décisif à l’engagement de protéger un nombre considérable de traditions orales et musicales, de savoirs et savoir-faire artisanaux, sans oublier leurs détenteurs, les «trésors humains vivants». Aujourd’hui, il n’est plus possible d’alléguer l’ignorance devant l’évidence que toute cette richesse culturelle, qui fut le noyau séminal de ce que nous appelons «la haute culture», sera balayée si nous n’accourons pas à sa rescousse. C’est lors de cette réunion sur la préservation des espaces culturels populaires que l'on a défini un nouveau concept d'anthropologie culturelle: le patrimoine oral de l'humanité.
Marrakech, (prononcez en arabe Marrak'che), est longtemps restée la rivale sudiste de Fez en tant que capitale impériale. Marrakech s'étend sur une vaste plaine - "du Haouz" - encerclée par sept kilomètres de murailles rose-rouge en "tabiya",un mélange de sable rose local et de chaux. Cette couleur couvre les monuments de cette ville ainsi que ses habitations anciennes et modernes, ce qui vaut pour la ville comme surnom "Al Hamra" (la rouge).
<p>Les remparts furent érigés en 1126/27, pour remplacer la barrière de ronces qui protégeait le premier campement almoravide. Les premiers sujets almoravides incluaient des tribus de l'Atlas, des nomades du Sahara, diverses peuplades africaines et maghrébines vaincues ainsi que d'anciens esclaves noirs affranchis. Le visiteur remarquera que les habitants de Marrakech sont en moyenne de couleur plus en foncée que les habitants des autres villes marocaines, en dehors de la population noire cela s'entend.
Ainsi, Marrakech est "la plus africaine" de toutes les autres grandes cités du Maroc ; une africanité qui dépasse les confins du Sahara occidental marocain pour s'étendre à Tombouctou, à Dakar, à la guinée, etc.
Par ailleurs, le site naturel de Marrakech est d'une beauté à couper le souffle : Située dans une immense plaine gagnée sur le désert grâce à la ténacité des hommes, avec en toile de fond Le majestueux Haut Atlas, la plus grande chaîne de montagnes du Maroc, aux sommets enneigés et avec comme ceinture une palmeraie aux milles et un palmiers... Un décor qui en a enivré plus qu'un.
De toutes les villes impériales marocaines, Marrakech est sans doute celle dont le nom évoque le plus l'exotisme, le dépaysement et l'enchantement. Ville chargée d'histoire, Marrakech n'est sûrement pas une ville quelconque, anodine. Tout y est en effet original, excitant, envoûtant même diront d'autres : son site, sa population hétéroclite et connue pour un sens de l'humour épatant, son artisanat souvent rival de la belle Fez au nord du Maroc, les artistes internationaux qui en sont tombés amoureux et qui y vivent en tout anonymat, sans oublier ses si beaux Riads que le monde entier s'arrache ...
La ville a su garder intacts beaucoup de ces petites choses qui avaient façonné son visage et qui continuent à survivre hors du temps. D'abord son artisanant ; des chefs-d'oeuvre qui naissent des doigts et des mains des artisans Marrakchis : cuir tanné à l'ancienne, travail du fer forgé exporté partout dans le monde, habits traditionnels marocains, lampes traditionnelles en peau de mouton aux formes artistiques, pouffes brodés, tapis majestueux, etc.
Les caravanes, qui jadis assuraient un commerce florissant avec l'Afrique noire, avaient l'habitude d'y faire escale à la recherche d'un repos réparateur avant la grande traversée du Sahara. L'ingéniosité et l'opiniâtreté des hommes ont fini par trouver une solution à la rareté de l'eau. Des khittaras (ou réservoirs) souterrains y emmagasineront l'eau et empêcheront l'évaporation du précieux liquide, qui fait vivre une immense palmeraie protégeant des remparts ocres qui, de leur côté, entourent la "médina ou ville traditionnelle".
Un peu d'histoire...
En 1053, de retour d’un pèlerinage à la Mecque, Yahia Ibn Ibrahim chef d’une tribu de nomades berbères, les Sanhadja aux visages voilés, demande à un maître spirituel, Abdallah Ibn Yassin "d’enseigner" à son peuple. Ils se retranchèrent dans un ribat "couvent fortifié", en plein désert, pour "bénéficier" d'une formation religieuse, morale et militaire, qui vont les transformer en de redoutables soldats, inimitables stratèges et pieux gouvernants. En 1054, "les gens du ribat" Al-Mourabitoun, (nom francisé en Almoravides) font naître un puissant empire, en prenant une riche cité caravanière : Sijilmassa. En 1056, Abou Bakr, commandant des armées Almoravides prend Taroudant, puis franchis l’Atlas et s’empare d’Aghmat. En 1062, Abou bakr installe un vaste camp militaire dans la plaine du Haouz, c’est l’embryon de Marrakech.
Rapidement Youssef Ibn Tachin (Youssef Ben Tachfine) évince Abou Bakr, dont il était le lieutenant et s'institue commandeur des croyants et fonde Marrakech, qui sera la seconde capitale historique du Maroc.
Très vite Marrakech, sous l'impulsion des Almoravides, hommes pieux et austères, devint un important centre commercial, culturel et religieux pour l'ensemble du Maghreb, l'Andalousie et une partie de l'Afrique noire. Le fils de Youssef Ibn Tachfine, Ali Ben Youssef, fortifia la ville en dressant des remparts sur plusieurs kilomètres, et, en édifiant des mosquées et des médersas (écoles) qui subsistent encore de nos jours. L'Espagne musulmane exerça une grande influence sur l'architecture de la ville et vice-versa, Les deux dépendant du même Empire :celui marocain.
Né dans un petit village berbère de l’Anti Atlas, Mohammed Ibn Toumert étudie la théologie en voyageant dans le monde Musulman pendant dix ans. En 1125 il installe à Tin Mal (Tinmel), dans le Haut Atlas, un ribat pour prôner un rigorisme intransigeant. La dynastie des Almohade (AlMouahidine les unificateurs) était presque née. A Marrakech, il trouble les théologiens officiels, il se présente comme le mahdi (l’envoyé de Dieu), et ses prêches enflammés contre les Almoravides. Avec l’aide des tribus Masmouda du Haut Atlas et du Sous, il organise une coalition avec toutes les oppositions aux Almoravides et en 1130 il tente une première invasion de la capital, qui échoue et la moitié des dirigeants Almohades périrent.
Quelque mois plus tard, Ibn Toumert décède, sa mort fût cachée pendant deux ans, le temps de mettre en place le nouveau commandeur : Abd El Moumen fût désigné officiellement comme chef du mouvement Almohade, et prit le titre de Calife et s’empara méthodiquement du Maroc. Cela lui prit plus de dix ans. Au printemps 1147, après un long siège, il prit Marrakech et instaura le règne des Almohade.
La dynastie Almohade, entreprit l'agrandissement et l'embellissement de Marrakech. Yacoub AL MANSOUR entreprit la finition de la construction de la mosquée et du minaret de la Koutoubia, un des plus célèbres monuments du monde islamique, et qui est, pour Marrakech, ce qu'est la Tour Eiffel pour Paris. La ville connaissait alors sa période de prospérité et de gloire. De nombreux écrivains et poètes venus d'Andalousie et d'ailleurs, attirés par l'intense activité culturelle et artistique, contribuèrent par leurs écrits à son rayonnement.
Entre Taza, Tlemcen (1) et le Figuig, dans les steppes orientales, la tribu Zénète (berbères des hauts plateaux, nomades éleveur de chameaux et de moutons), unie à celle des Beni Mérine (les Mérinides) menés par un chef énergique en la personne d'Abou Youssef Yâacoub, n’acceptent pas les défaites successives et occupent tout le nord du Maroc.
Ils s’assurent ensuite le contrôle des routes caravanières du sud et prennent Sijilmassa et les oasis de la vallée du Drâa. Ce n’est qu’en 1269 qu’ils prennent Marrakech, mettant définitivement fin à la dynastie Almohade. Abou Youssef Yâacoub se proclame alors sultan et établit sa capitale àFez El-Jedid.
L'avènement des Mérinides eût des conséquences désastreuses sur Marrakech qui se voyait abandonnée par ses savants et artisans et délaissée au profit de FEZ, sa rivale de toujours.
(1)Rappelons que Tlemcen actuellement algérienne, faisait partie à l'époque de l'Empire Chérifien du Maroc.
Au début du XVI siècle, les armées chrétienne font pression sur le sol Marocain. Cela suscite un profond renouveau du sentiment religieux. Une famille originaire d’Arabie, descendant du Prophète, les Saadiens, s'est implantée dans la vallée du Draa, organise une véritable guerre sainte contre l’envahisseur Chrétien.
Ils trouvent leur chef dans El Kaïm et mènent de front reconquête des enclaves Portugaises sur le sol marocain et conquête du pouvoir. Ils s’emparent de Marrakech en 1525.
En 1551, le Sultan Saâdien, Mohamed Al Mahdi , dont la dynastie régnait entièrement sur le Maroc depuis 1529, installa sa capitale à Marrakech. La ville ocre put ainsi renouer avec ses fastes d'antan.
En effet, les Saadiens en grands bâtisseurs, restaurèrent les monuments tombés en ruines et édifièrent de somptueux palais, notamment le palais "Badi" construit par le Sultan Ahmed El Mansour Ed-Dahbi dit le victorieux doré, victorieux puisqu'il put battre le fort Royaume portugais lors de la bataille des trois Rois, doré en raison du commerce de l'or qu'il entretenait avec le Soudan.
Bien que complètement abandonné de nos jours, le palais "Badi" sert de cadre au célèbre et traditionnel Festival National du Folklore qui réunit, en juin de chaque année, les meilleures et nombreuses troupes folkloriques venus des quatre coins du Maroc du Maroc.
Sous le règne du sultan Ahmed El Mansour Ed-Dahbi , Marrakech atteint l'apogée de sa gloire.
Mais de nouveau, une autre dynastie, l'actuelle Dynastie Alaouite, succéda aux Saadiens et le Sultan Moulay Ismaïl, contemporain de Louis XIV, entreprit la construction d'une nouvelle capitale, Meknés, dans le but d'en faire une "Versailles" marocaine.
L'instauration du protectorat français sur le Maroc, en 1912, consacra l'émergence de Rabat comme capitale administrative du pays marquant définitivement la fin du caractère impérial contemporain de la ville.
Malgré les péripéties de l'histoire, Marrakech a profondément marqué la vie du Maroc des siècles durant, au point que les étrangers appelaient le Maroc, Royaume de Marrakech. On dit d'ailleurs que le mot "Maroc" est une déformation du nom de cette ville somptueuse.